Aux suites de cette effroyable nuit d'Halloween, William avait eu très peu de temps pour lui même. En fait, ça n'était absolument pas surprenant. Après tout, sa soeur en avait profité pour s'échapper et aller faire des siennes. Quelle atroce gamine quand elle le voulait. Enfin, il aurait dû prévoir que les chansons qu'elle réussissent à échapper à sa prison ce soir-là étaient très hautes. Halloween. Les années suivantes, il s'en rappellerait. En espérant que Lizzie mûrisse un peu d'ici la vingtaine car il voyait mal comment expliquer aux autres cette histoire. En fait, valait mieux ne pas en parler, après tout, c'était l'un de ses secrets les plus précieux. D'ailleurs, qui le croiraient? Il y avait belle lurette qu'on savait que sa petite soeur était morte. Pourquoi l'avait-on mis à l'asile croyez-vous? Ç'avait été une dure ironie du sort, mais bon. Il s'en était tiré. Pas seul peut-être, mais le fait est qu'il n'y été plus et c'était ça qui comptait. En revanche, il avait le double du travail qui lui aurait incombé si on n'avait jamais songé à l'enfermer là. C'était comme une tache à son dossier. Comme si un imbécile, ou un être abject, avait décidé d'écrire au crayon indélibile dans le livre de son avenir pour qu'à jamais on se rappelle de lui comme l'enfant à un tel point tourmenté qu'il avait fallu l'enfermer. Ah ça, il faut dire que notre gamin en faisait des efforts pour qu'on oublie cette partie sombre et peu reluisante de son passé. Bien entendu, il trouverait aussi le moyen de faire payer ceux qui l'y avaient séquestré, même s'ils étaient de sa propre famille. Il n'irait pas jusqu'à les éliminer, cela entraînerait trop conséquences judiciaires s'il était pris, mais il y aurait bien moyen de les humilier à leur tour. Bien que ce soit un vilain sentiment, William mourrait d'envie de se venger. Il était prêt à tout sacrifier pour cela, même ce qu'il avait de plus précieux. Cela prendrait le temps qu'il fallait, mais ça viendrait.
Enfin bon, ce jour-là, il avait été obligé de sortir seul. Il ne pleuvait pas des domestiques chez lui, Miss Adrianna veillait toujours à tout faire d'elle-même. À vrai dire, elle était très compétente en la matière. Toutefois, elle qui couvait comme une poule son protégé avait dû s'absenter pour la journée. Ou plutôt, son maître l'avait envoyé en mission pour lui, allez savoir pourquoi. Ce que celui-ci avait oublié, c'était qu'il avait des choses à faire en ville cette journée-là et qu'il ne pouvait pas les reporter à plus tard. Du coup, il était sorti seul. Chose qui n'arrivait jamais règle générale pour la simple et bonne raison qu'il ne se séparait que rarement de Miss Adrianna. C'était un bel échange de services qu'entre ces deux là, chacun profitant l'un de l'autre. Enfin bon. Sans elle, il devait prendre le train. Après tout, il était un peu jeune pour conduire et de toute façon, il ne savait pas comment non plus. Il haïssait les transports en commun. Surtout au Japon où c'Était bondé de monde, où tu avais du mal à trouver un peu d'air pour respirer. À vrai dire, William était du genre très individualiste et surtout imbu de lui-même. Du coup, ne pas avoir droit à son propre wagon pour lui seul, ça ne le contentait pas vraiment, comme vous pourrez le comprendre. Il avait toutefois survécu à cette épreuve si pénible.
À la fin de cette soirée, il était maintenant l'heure de renter à la maison. Miss Adrianna serait sûrement déjà là. Il se demanda pendant quelques instants qu'est-ce qu'elle avait bien pu lui confectionner comme dîner. Il y avait des lustres qu'il avait manqué l'heure du thé. Ce qui le fâchait encore plus, c'était d'avoir à reprendre le train. Quelle plaie. Surtout à cette heure là, l'heure de pointe en quelque sorte. Il y avait des chances qu'il n'arrive même pas à se trouver une place. Et comme c'était fatiguant de se faire harceler à chaque fois qu'il voulait monter parce qu'il n'était qu'un gosse de douze ans. Et alors? Qu'est-ce que ça pouvait bien changer? Il réussit tout de même à monter dans un wagon qui ne semblait pas trop plein. D'ailleurs, il restait une place à côté d'une drôle de demoiselle. Bah, il n'aurait pas à aller lui parler non plus. Avant qu'un de ces affamés ne puissent sauter sur cette place, il se l'appropria et voilà le travail. Plus qu'à attendre le terminus pour être à la maison.